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Le Carrousel mots et images de Kawiak Tomek

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Exposition « Mots Images » du 14 novembre au 7 décembre 2013
«Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.» Victor Hugo (1802-1885)
Les Contemplations, suite 1, 8

L’artiste Tomek Kawiak investit l’espace de la galerie Yakin et Boaz de Casablanca du 14 novembre au 7 décembre 2013 avec l’exposition «Mots Images». Allez de ce pas pénétrer dans l’univers d’un artiste pluriel,  à la fois peintre, plasticien et sculpteur, aux influences résolument multiculturelles.

Tomek, septuagénaire de l’art contemporain

Tomek est né dans les années 40 en Pologne. Après avoir décroché le diplôme de l’Académie des Beaux- Arts de Varsovie en peinture, graphisme, céramique et architecture, il étudiera la sculpture à l’École des Beaux-Arts de Paris chez César, éminent sculpteur français, ayant fait partie du mouvement des Nouveaux Réalistes et célèbre pour ses fameuse compressions, dont l’une d’elle est devenu le fameux trophée en bronze de la cérémonie des Césars français. Kawiak Tomek  a ensuite été professeur durant 14 ans à l’Institut d’Art d’Orléans et a par la suite obtenu la naturalisation française. Il vit aujourd’hui entre la France et Tanger. Tomek est un artiste exposé et renommé à l’international, et bon nombre de ses pièces appartiennent à des collections publiques et privées du monde entier, tels que le musée Paul Valéry de Sète en France, l’Institut Français de Tanger-Tétouan, le musée de Lublin en Pologne, le musée d’Art Moderne de New-York aux Etats-Unis ou encore la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc.

Tomek s’exprime artistiquement par l’usage de divers médiums, essentiellement la sculpture, la peinture et le dessin. Kawiak Tomek est particulièrement reconnu pour son utilisation récurrente et insolite du motif du “Jean” (denim), qu’il décline dans bon nombre de ses œuvres. Selon l’artiste : «(…) L’art est le reflet de notre époque et de notre civilisation. Sculptés dans le bronze ou ciselés dans le marbre, le jean et ses poches deviennent objet d’art et de désir. (…) Il n’y a pas de différence entre l’art du présent et l’art du passé, entre la tunique grecque sculptée en marbre et le jean moulé en bronze(…)Le jean est presque le livre des corps. Le jean est donc devenu un thème, un objet, un mythe de la littérature. (…)Tous les vêtements s’usent, il est vrai, mais seule l’usure du jean est positive. En effet, le jean n’est pas un produit fini, le temps est son couturier».

Tomek  nous évoque par son choix de matériau-fétiche le célèbre Jean-Pierre Raynaud, artiste plasticien français qui se sert entre autre de carreaux de céramique blanche ou de pots de fleurs remplis de ciment de manière répétitive.

On sent Tomek proche du mouvement et de la pensée du Nouveau Réalisme, et c’est le cas, lorsque l’on découvre que l’œuvre de l’artiste a provoqué l’interprétation du grand critique Pierre Restany, théoricien du mouvement du Nouveau Réalisme, courant né dans les années 60 qu’il décrivit  comme un : «recyclage poétique du réel urbain, industriel et publicitaire». Selon Pierre Restany, «(…) La sculpture de Tomek tire toute sa richesse sémantique de ses rapports entre le désir et la mémoire. Et c’est là en effet que l’esthétique rejoint la morale, c’est-à-dire la philosophie de l’action des hommes. Les sculptures de Tomek nous apparaissent ainsi tout naturellement, sans la moindre surprise, comme des objets symboles de notre identité quotidienne. La vie de tous les jours est transcendée par ce rappel impérieux du désir dans notre mémoire. C’est en nous invitant à mettre la main dans la poche que le sculpteur réalise l’un des miracles du talent, l’insertion de l’être au cœur de son propre désir, qui est aujourd’hui encore poésie pure».

« J’aime que les mots soient jetés comme ça »

L’exposition  de la galerie Yakin et Boaz rassemble une trentaine d’œuvres, dont une série récente autour de la thématique des Mots. Tomek joue avec les mots du quotidien, du banal, qu’il inscrit sur la toile tels des slogans, poussant l’observateur à regarder et réfléchir aux mots brandis sous ses yeux et aux sens qu’ils peuvent prendre. Les mots prennent formes sur la toile de manières différentes, pouvant faire penser à des tampons,  des sigles ou des panneaux de signalisation. L’artiste nous dévoile des mots usuels qu’il traduit en arabe, anglais ou français, comme pour créer un lien resserré entre les cultures par la force des mots. Même lorsque la langue nous est étrangère, l’ambiance que crée Tomek nous permet d’en comprendre le sens, tant la simplicité des formes et leur force évocatrice nous renvoie à nos connaissances. Ses toiles sont criblées par des tampons et des dessins de mots, de messages, de schémas, dans des tons saturés et vifs, qui perturbent et attirent le regard. Les mots sont exhibés et rassemblés sur la toile, tels des graffitis sur des murs de pierre.

L’une de ses toiles, «Hobb» (2012)- Amour, love, m’a laissée interrogative. Cette œuvre est une vision de l’amour,  où l’artiste a fait figurer sur un tampon «AMOUR, HOBB, LOVE», répétés sur la toile à de nombreuses reprises. Trois mots qui désigne l’amour, universels et égaux. La singularité de ce tampon, c’est qu’il se compose d’un cerne en forme de cœur, puis d’une autre, m’évoquant indéniablement le symbole de la tête d’un bovin, qui contient les trois mots. Hobb, écrit en alphabet arabe en haut et en bas de la toile, prend par ses courbes des allures de cornes, et la composition entière prend des airs de «marquage au fer de l’amour». À la fois doux, poétique, abrupt et violent. Selon moi, la belle force du travail de Tomek, c’est qu’il renvoie  chacun de nous, selon nos représentations et imaginaires personnelles, à des ressentis différents, mais qui rassemblent au-delà des cultures.

« Objets sculptures- Vivre, c’est défendre une forme ! »

La seconde partie du travail de Tomek exposé à la galerie Yakin et Boaz sont les «objets sculptures». Dans les pièces exposées, on sent l’ancrage profond de l’artiste à Tanger, et au Maroc. Il reprend des objets de la vie quotidienne : bouilloire, ruban de fromage «beldi», chtaba, ou encore les briques qu’il métamorphose en sculptures de bronze, aluminium, fer ou céramique. Il questionne donc leur place, leur importance, et leur offre un «piédestal», comme pour signaler l’ancrage de ses objets dans notre société. Une sorte d’hommage à la culture marocaine du quotidien. L’œuvre «Grande chtaba» (2010), représentant une balayette marocaine, abrite un oiseau délicat,  tendrement poétique et donne un sens nouveau à cet objet consacré.

Ce travail de récupération d’objets usuels nous ramène indéniablement aux prémices de cette pratique : les ready-made de Marcel Duchamp, artiste colossal du 20ème siècle, qui par son œuvre a radicalement bouleversé l’art et a inspiré et ouvert la voix à de nombreux artistes et mouvement tels que le Surréalisme, le Pop Art,  le Nouveau Réalisme ou encore Fluxus.

«Dessins-Coup de cœur-Les yeux dans les mots !»

L’exposition présente également plusieurs séries de dessins sur la thématique du tatouage. On retrouve sur chacun d’eux la présence du jean, marque de fabrique de l’artiste, qui devient l’une des marques d’universalité des êtres représentés et qui laisse découvrir des symboles divers. Pour l’artiste, «les tatouages que je mets en scène dans mes dessins sont puisés de toutes les civilisations. Ce sont des sortes de valeurs partagées, des codes de reconnaissance ; ils participent au dialogue des cultures et induisent par conséquent un réel métissage. On peut les appréhender comme des images sur le corps, un support vivant que l’on va lire comme une bande dessinée. Et n’oublions pas que dans «métissage», il y a «message» ». L’artiste nous offre un voyage autour du monde de la culture du tatouage, qui marque, unit, symbolise, ou glorifie la vie sous toutes ses formes.

D’un moment à un autre… Lorsque nous migrons d’une terre à une autre, et que nous foulons dans les premiers moments cette terre que nous ne connaissons pas, que nous apprenons à la ressentir, petit à petit nous nous sentons basculer, entre l’instant où cette culture qui nous était inconnue nous devient familière, quand nous commençons à l’écouter, à l’embrasser pour finalement l’épouser complétement. Notre culture n’est pas immuable, elle subit des mutations permanentes, en fonction de nos ports d’attache, de nos découvertes ou de nos appréciations. Nos cultures se lient, se tissent, se métissent, et l’ont fait de tous temps. L’un des fruits de ses hybridations culturelles est l’œuvre de Kawiak Tomek, immanquable nomade, aux influences multiples, entre pop art et nouveau réalisme, qui crée un langage de l’interculturel, pour le plus grand bonheur de ceux qui croient en la richesse du croisement.

Constance Durantou-Reilhac


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