La vente aux enchères de 70 masques de la tribu des Hopis a été maintenue vendredi sur décision de justice, au grand dam de ces Amérindiens de l’Arizona qui les considèrent comme sacrés et espéraient la stopper.
La vente devait avoir lieu à 14h30 à l’Hôtel Drouot à Paris par la maison Néret-Minet Tessier & Sarrou, comme prévu.
L’avocat français qui les défendaient, Me Pierre Servan-Schreiber, a annoncé, sans trop y croire, qu’il introduisait “un recours devant le Conseil des ventes, l’autorité qui supervise la vente aux enchères, et qui peut théoriquement prendre la décision administrative de la suspendre”.
A ce stade, un autre recours serait “d’introduire une action en revendication du droit de propriété”, a ajouté l’avocat, autant dire une mission impossible qui obligerait à retracer l’histoire et la circulation de chacun des masques et de ses différents propriétaires.
Devant le tribunal des référés, les défenseurs des Hopis avaient expliqué jeudi que la vente devait être suspendue et les masques restitués parce que la loi française “interdit le commerce de certains types de biens comme les sépultures et les tombeaux”.
Mais dans son jugement consulté par l’AFP, la juge Magali Bouvier a estimé que si ces masques ont pour les Hopis “une valeur sacrée, une nature religieuse ou s’ils incarnent l’esprit des ancêtres de ces personnes, il reste qu’il est manifeste qu’ils ne peuvent être assimilés à des corps humains ou des éléments du corps de personnes existant ou ayant existé…”.
“Le seul fait que ces objets puissent être qualifiés d’objets de culte (….) ne saurait leur conférer un caractère de biens incessibles de sorte que leur vente caractériserait un trouble manifestement illicite ou un dommage imminent”, ajoute-t-elle.
“C’est une vision beaucoup trop restrictive et mal fondée du droit”, a protesté Me Servan-Schreiber même s’il s’est félicité que cette affaire ait au moins eu le mérite de montrer une “très forte mobilisation” en faveur des Hopis, soutenus notamment par l’acteur américain Robert Redford.
“C’est le début d’une réelle prise de conscience de l’opinion publique qui comprend que tout ne peut pas être acheté ou vendu, surtout pas quelque chose de si intime et sacré. Peut-être que dans dix ans nous gagnerons”, a-t-il dit.
“Encore une fois des intérêts économiques priment devant les intérêts de ces gens (les Hopis) lésés tout au long de l’histoire”, a réagi Jean-Patrick Razon, à la tête de l’association de défense des peuples indigènes Survival International France, qui avait engagé en urgence cette procédure de référé pour stopper la vente.
Survival International avait été rejointe par deux musées de l’Arizona, dans le sud-ouest des Etats-Unis, il y a quelques semaines, et la tribu amérindienne Hopi qui vit dans cet état, pour réclamer l’annulation de cette vente de masques “Katsinam”, considérés comme sacrés car ils représentent les esprits des ancêtres des Hopis.
Ils ont reçu le soutien de l’acteur et réalisateur américain Robert Redford qui, dans une lettre, juge la vente “sacrilège” et demande la restitution des masques à la tribu, sous peine de commettre un “geste criminel”.
Et l’ambassadeur des Etats-Unis à Paris, Charles Rivkin, qui se dit “très préoccupé” avait même demandé jeudi soir à la maison d’enchères de “différer la vente”, dans un communiqué.
Dans un communiqué, la maison Neret-Minet Tessier & Sarrou a estimé que la décision de justice était “conforme au droit positif français et au droit de la propriété” .
“Il semble important de ne pas créer de précédent validant l’interdiction de vendre tout objet à caractère sacré quelle que soit la culture concernée. Notre objectif a toujours été de mettre en valeur la culture hopi et la rendre accessible au plus grand nombre dans le plus strict respect de la loi”, a-t-elle ajouté.
Crédits AFP