Le musée de la fondation Abderrahman Slaoui de Casablanca dévoile le nouveau travail photographique de l’artiste Hicham Benohoud, « Ânes Situ », jusqu’au 11 janvier 2014. C’est l’occasion immanquable pour vous de découvrir ou redécouvrir un somptueux artiste et d’explorer in situ son nouveau travail. Au détour d’une de vos visites au musée, vous aurez peut-être la surprise de découvrir l’artiste Hicham Benohoud, entouré d’une ribambelle d’enfants. Ne soyez pas surpris, la fondation Abderrahman Slaoui, a, depuis son ouverture, mis en place des ateliers pédagogiques à destination des scolaires. Nous avons décidé de suivre l’artiste en intervention auprès d’une classe.
Hicham Benohoud est un plasticien-photographe. Il est Marrakchi d’origine, et vit et travaille aujourd’hui à Casablanca. Il a enseigné les arts plastiques durant 13 ans, puis a décidé de quitter l’enseignement en 2003 pour se consacrer à sa carrière d’artiste. À partir de 2003, il a suivi une formation à l’École Supérieure des Arts Décoratif de Strasbourg, puis a enseigné en 2005 la photographie au Studio National des Arts Contemporains à Tourcoing, Le Fresnoy. On notera sa participation en 2005 à Africa Remix, exposition itinérante internationale réunissant 200 œuvres de 87 artistes africains contemporains, ayant entre autre fait escale au Musée KunstPalast à Düsseldorf, ou au Centre Georges Pompidou à Paris. On remarquera aussi ses participations à des foires et biennales internationales telles que Paris Photo, la Foire Art Bruxelles, les Rencontres photographiques d’Arles ou la Biennale de Dakar. Ses œuvres sont présentes dans les collections de la Fondation Antoine de Galbert à Paris, à la Maison Rouge ou encore au Muhka (Musée d’Art contemporain d’Anvers).
Hihcam Benohoud est un artiste plasticien, qui témoigne de ses installations et performances par la photographie. La photographie n’est que le résultat final d’un long processus créatif. « Ânes Situ » est la dernière série photographique de l’artiste, réalisée entre 2012 et 2013. C’est une production de Cultures Interfaces, qui rappelons-le est « une structure de production et de diffusion de la création contemporaine du Maghreb. » Cultures Interfaces se définit comme une galerie itinérante entre Afrique, Europe et Amérique. La fondatrice de Cultures Interfaces, Nawal Slaoui est l’une des actrices majeures de l’art contemporain marocain.
Pour Hicham Benohoud : ” Ânes situ reflète, de mon point de vue, les différentes contradictions inhérentes à la société marocaine contemporaine”. L’exposition présente une vingtaine de photographies et la projection d’un making of, qui retrace le processus créatif de l’artiste. Les photographies sont des mises en scène d’ânes dans des intérieurs casaouis. L’artiste a créé pour chaque mise en scène une installation singulière. L’âne évolue donc dans des espaces et des installations différents.
Hicham Benohoud présente un animal qui à travers l’histoire a souvent eu une image désavantageuse, sujette à de nombreuses expressions et représentations péjoratives. Hmar ! est aujourd’hui l’une des insultes les courantes au Maroc. L’âne, est tantôt symbole d’ignorance et sujet à de nombreuses railleries et caricatures, tantôt symbole de sagesse, de douceur, de courage et de dévouement. L’âne symbole de paradoxes, de dualités. Comme nous, comme notre société.
En déambulant dans l’exposition, je me rends compte qu’à travers la figure de l’âne, nous sommes spectateur de nous-même. L’âne est ici la métaphore de notre propre condition au sein de la société. L’âne nous représente dans nos tiraillements, nos questionnements, nos doutes, nos enfermements et la question de nos places dans la société. Hicham Benohoud nous incite, nous convie, nous offre l’opportunité de nous remettre en question. Et même si chacun d’entre nous peut être parfois peu enclin à la remise en question, celle-ci nous sera profondément bénéfique. Hicham Benohoud traite de la société marocaine, mais il touche à l’universalité de nos rapports et comportements sociaux, autant qu’à la question de notre identité collective, et son travail peut trouver un écho en nous au-delà de nos origines et de nos croyances.
Les ateliers pédagogiques de l’exposition sont organisés par le musée de la Fondation Slaoui avec le soutien de l’Institut français de Casablanca. Ils sont animés par Hicham Benohoud durant toute la durée de l’exposition. Les ateliers « ont pour but de solliciter une réflexion critique sur notre perception et notre rapport au monde. Elles s’accompagnent d’une visite explicative de l’exposition et sont suivies par une définition de la démarche en projetant différentes séries photographiques. »
Lors de l’atelier, l’artiste rappelle aux enfants qu’une œuvre n’a pas un seul sens, que c’est au public de trouver les contradictions qu’il présente dans ses photographies. L’artiste précise aussi que c’est son avis, son regard, et que chacun créer le sien. Hicham Benohoud laisse la lecture ouverte. Les questions fusent et sont pertinentes. Ce qui nous permet à tous d’apprendre beaucoup de choses sur le processus créatif de l’artiste. Hicham Benohoud a choisi les ânes, car il habitait dans un quartier où il y avait une écurie qui abritait beaucoup d’ânes. L’artiste dit qu’il y avait « autant d’ânes que de voiture ». Il confie que son environnement immédiat l’inspire toujours dans son travail. Pour lui, il y a beaucoup de mauvaises réactions concernant cet animal. Il souligne le fait qu’ils vivent comme des animaux sauvages alors qu’ils sont dans un environnement urbain. Les enfants se demandent comment l’artiste a cohabité avec les ânes pour les installations. Hicham Benohoud parle de ses visites en amont des maisons, des mesures prises des ânes pour créer les structures, de son respect immense des espaces qui lui ont été prêtés et qu’il a veillé à laisser tels quels pour ses installations, du travail avec un forgeron pour la réalisation des structures… Hicham Benohoud est un vrai pédagogue. Il offre aux enfants un véritable éveil à l’art et les ouvre à une réflexion sur notre monde. Chacun d’entre eux lui offre une écoute lumineuse, que l’artiste mérite grandement. Transmettre, partager, sensibiliser, initier sont les maître mots des ateliers pédagogiques de la fondation Slaoui, ouverte à tous les établissements marocains. Le musée a d’ailleurs reçu dix milles enfants depuis 2012 et a nombreux projet pédagogiques en cours de développement. Affaire à suivre.
Constance Durantou-Reilhac