Les NTIC ont complètement changé notre mode de vie. Que ce soit sur le plan professionnel, personnel, des loisirs… on travaille différemment, on consomme différemment. Tous les secteurs sont impactés par ces changements. Les industries culturelles n’y échappent pas. Le tourbillon des nouvelles technologies peut parfois avantager une partie au détriment de l’autre. Créateurs, producteurs, distributeurs, consommateurs, pouvoirs publics… qui détient le pouvoir ? Pour répondre à cette question, le cabinet de Conseil Kurt Salmon a mené une étude qui retrace l’évolution des industries culturelles et créatives (ICC), à l’ère du numérique. Les résultats de cette étude ont été présentés à l’occasion du Forum d’Avignon 2013.
Le cabinet revient sur le statut de chacun des maillons de la chaîne de création et l’évolution des pouvoirs et des équilibres entre ces différents acteurs. Rééquilibrer les pouvoirs et tirer parti des bénéfices induits par le numérique s’avère crucial, pour que cette industrie reste un pourvoyeur de richesse et de croissance.
En presque 20 ans, le numérique a bouleversé la façon de consommer et distribuer le contenu culturel. D’où une nouvelle configuration des rapports entre les acteurs de la chaîne de cette industrie.
Les ICC regroupant des activités très variées, le cabinet s’est focalisé sur les industries du Livre, de la Musique, du Cinéma et des Jeux Vidéo. Une trentaine d’entretiens au niveau international a été effectuée auprès de dirigeants publics et privés, d’artistes et de créateurs. Il en ressort que «les nouveaux acteurs du numérique ont pris aujourd’hui une place prépondérante dans le secteur des ICC, obligeant tous les autres acteurs à réviser leur mode de fonctionnement en profondeur».
Globalement, l’étude révèle que nonobstant la multitude des outils, les créateurs ont du mal à émerger et vivre de leur art hors des circuits traditionnels. «Aucun artiste du Top 20 mondial (Musique et Livre) n’est par exemple autoproduit». De même, si 45% des consommateurs se déclarent prêts à financer ou cofinancer un artiste ou une œuvre, on estime que le crowdfunding ne dépassera pas 10% des investissements en 2017. Cela dénote d’une illusion du pouvoir aussi bien chez les consommateurs que les artistes.
Le support physique marche encore bien
En revanche, certains ont vu leur part de revenus augmenter, grâce à la disparition des intermédiaires sur les produits digitaux. Ainsi, pour le livre, leur part est passée en moyenne de 30% du prix HT pour un livre physique à 48% pour un livre numérique, quand la part des producteurs de DVD passait de 17% sur les supports physiques à 48% sur les supports numériques. Les distributeurs, quant à eux, ont vu apparaître de nouveaux acteurs en position dominante sur leur marché digital respectif. «Si, à date, le numérique est vécu comme une opportunité par la plupart des acteurs, les risques d’abus de position dominante à moyen et long terme ne doivent pas être négligés.»
Pour autant, plus de 60% de consommateurs déclarent continuer à privilégier le support physique dans 5 ans.
Autre point intéressant révélé par cette étude, l’industrie culturelle n’est pas en crise. Les industries du Livre, de la Musique, des Jeux Vidéo et du Cinéma renouent globalement avec la croissance en 2012. On constate même tendance de croissance annuelle moyenne de 5%. Au niveau mondial, le Livre, la Musique, le Cinéma et les Jeux Vidéo représentent à eux seuls 410 milliards de dollars.
En conclusion, les résultats de cette étude laisse entendre qu’au-delà de leur puissance économique, industrielle ou militaire, le pouvoir des Etats au XXIe siècle passe aussi par «leur capacité à attirer, séduire, voire à imposer leur modèle culturel au reste du monde.» Le modèle du Qatar et de la Chine, qui ont opté pour une stratégie de puissance à travers la culture, sont intéressants. La prise de pouvoir culturel de ces deux Etats gravite autour de trois axes : événements sportifs mondiaux, développement de médias internationaux et investissements culturels. C’est ce que l’on appelle le Soft power.
Au Maroc, quelques tentatives pour améliorer le potentiel de l’industrie culturelle et créatives ont été menées la culture des festivals commencent à porter quelques fruits sans pour autant arriver à une véritable révolution de ces industries.
LO
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Reprise de croissance
Au niveau mondial, le Livre, la Musique, le Cinéma et les Jeux Vidéo représentent à eux seuls 410 milliards de dollars. Les Industries Culturelles et Créatives représentent en 2008 dans le monde, selon les sources, entre 1 700 milliards de dollars (Unesco) et 2 700 milliards de dollars (ERSA) – soit 3,8 % à 6,1 % du PIB mondial – et près de 40 millions d’emplois. Les échanges de contenus quant à eux s’élèvent à 424milliards de dollars et participent à 3,4 % du commerce mondial total. La croissance annuelle du commerce international des produits culturels et créatifs atteint 8,7 %, soit un taux bien plus élevé que la croissance mondiale, 3 % selon l’OCDE.